vendredi 2 janvier 2015

Tempo è reconnaissance 2015 : le roman des internautes hors cadre scolaire

"Tempo è galant'uomo"

Une odyssée romanesque inter-nautique polyphonique 
sous la forme d'une constellation à 5 branches :

http://tempoecoincidences2015.blogspot.com: le roman des internautes collégiens
http://tempoecorrespondances2015.blogspot.com :  le roman des internautes lycéens 
http://tempoereconnaissance2015.blogspot.com : le roman des internautes hors cadre scolaire 
http://tempoesempervive2015.blogspot.com : le making of du/des roman(s)

 
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 Pas de deux avec le romancier en devenir : 

Si vous souhaitez apporter des modifications à l'un des chapitres de ces romans ou tout simplement poursuivre l'écriture de l'un d'eux, n'hésitez pas à envoyer vos propositions à cette adresse en précisant bien le titre du roman à modifier ou à poursuivre :  

 tempoe@hotmail.fr
 
Les réunions des Comités éditoriaux de lecture 2015 seront consacrées à la composition d'ensemble du/des roman(s) à partir des projets d'écriture des romanciers internautes en lien avec les autres branches de cette constellation romanesque en étoile. Les textes qui suivent seront sans doute amenés à être relus et modifiés par leurs auteurs invités à les remanier autant que par les co-auteurs internautes volontaires suivant les orientations mélodiques et harmoniques suggérées par le jeu polyphonique de cette "échologie du temps perdu retrouvé"* orchestré par les différents Comités éditoriaux à l'écoute de la résonance symphonique de chacune des branches de cette constellation en étoile à la recherche d'une esthétique multi-générationnelle.

* Raphaël Enthoven



 
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Hayete


Elle avait dit d’accord.

Il l’avait regardée, incrédule, laissant lentement ses yeux parcourir pour la millième fois l’ovale de son visage, plonger dans l’épaisseur baudelairienne de ses cheveux.
Elle avait souri, et la craie de ses dents avait comme grincé sur le tableau noir de sa tête.
C’était encore avant.

Il s’était approché.
Le froissement des draps n’avait pas dérangé l’ordre du monde.
Ou à peine, sans doute.
Si peu.
Si peu que l’univers était encore à sa place lorsqu’elle avait refermé la porte derrière elle.
C’était déjà après.

Il l’avait regardée s’habiller.
Remettre tout l’espace entre eux deux, sans même toucher au thé qu’il lui avait servi.

Et puis il avait ouvert ses mains. 

Comme pour ne pas retenir prisonniers les dernières effluves de sa présence évaporée.

Comme pour lire dans les lignes de sa propre main tout ce qui pourrait encore advenir d’elle. 


 
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Sa main s’abattit sur la table et le verre de vin oscilla dangereusement.
 - Non, je suis désolé mais on ne peut pas dire que ce soit de la littérature. Mon petit-fils écrit tout aussi mal ; d’ailleurs, ça ne trompe pas : il est le seul du collège à venir en déguisements et chapeaux ridicules et à être dernier en vocabulaire.
  • Je ne dis pas que c’est de la littérature, mais imagine dans quatre-vingts ans. Ça sera peut-être un auteur majeur, au moins pour quelques illuminés. »
Du bord du verre, une goutte carmin atteignit le bois abimé et commença à se répandre dessus tel un obèse tropézien sur le pont d’un yacht.
L’homme émit un rire puissant puis reprit une gorgée de son verre coloré. Gabriel d’Autrimont était une joviale curiosité, physiquement et intérieurement. Il était de ces vieux qui avaient eu la sensibilité de ne pas se tourner vers la misanthropie et donc pouvaient profiter d’une vie sociale agréable, tout en se permettant de ne pas effrayer les enfants. Dans la rue, il n’était qu’un imposant gentleman vieillissant. C’est en entrant dans sa boutique d’Odéon que ce halo de bienveillance se révélait à autrui. Gabriel se confondait en tous points avec la pièce : une salle d’un seul bloc où les livres cornés et poussiéreux reposaient par dizaines sur le bois ridé. Dans un coin, un poêle en faïence ronronnait les yeux mi-clos, cerné par des piles d’ouvrages qui allaient même jusqu’à investir la lourde table où se tenait la discussion.
Gabriel cessa de caresser sa barbe et déclara en se levant :
« Pour l’instant, c’est surtout majeur sur les immondes gondoles pour masses. Ah ça, c’est sûr qu’on n’écrit pas une œuvre comme on touille son café ! D’ailleurs, à propos d’audace et de transport… »
Dans un recoin d’une de ses étagères, Gabriel commença à saper une pile de livres qui finit par retomber sur elle-même en une nuée ardente de fine poussière. Il revint vers la table, un grand bloc de cuir blanchi dans les mains.
« Tu connais cet exemplaire, non ?
  • Oui, c’est le de 1587, un exemplaire de l’édition lyonnaise. Mais tu me l’as déjà prêté, qu’a-t-il de spécial ?
  • Te souviens-tu de son évocation du Nil Admirari ?
  • Oui, il le cite pour conclure que l’homme peut évoluer dans l’harmonie des sphères, eh bien ?
  • Eh bien, la rumeur court comme quoi son dernier exemplaire se trouverait à Paris. »
Charles ne dit mot et regarda son ami à la manière d’un contribuable recevant un chèque de remboursement de la part du Trésor Public. Si un Marquis aurait versé des larmes de sang lors de la perte de son manuscrit long comme un jour sans pain, Charles était prêt – métaphoriquement – à faire de même, ne serait-ce que pour poser son regard sur l’une de ces pages. Le Nil Admirari était le Hollandais Volant des collectionneurs renaissance : souvent cité, jamais capturé. Seule une page à-demie brûlée subsiste dans les archives du CESR de Tours.
Les yeux de Charles cachaient bien mal cette fièvre qui le parcourait. Un indicible courant qui filait sur les câbles de son corps et se répandait à travers chaque brèche, chaque matière, en un flux bouillonnant.
« Je savais bien qu’en te disant ça, ça allait te donner des idées ; en tant qu’ami, je ne pouvais pas te cacher ça. Mais ce n’est qu’une rumeur… Que feras-tu si tu ne le trouves pas ?
  • Pardon ? répondit Charles qui s’éveilla telle une chouette que l’on réveille au fond d’une grange.
  • Je disais : si tu le trouves pas ?
Charles baissa les yeux une seconde puis regarda le vieux libraire avec un large et candide sourire.
  • Je l’écrirai ! »

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    Le rêve de M.

    M.regardait son chat avec envie : quelle beauté, quelle grâce naturelle ! Elle trônait, les yeux fermés, ni endormie ni vraiment éveillée (état que M.lui enviait parfois); sa position sur le canapé laissait deviner toute la blancheur de "ses dessous", cette particularité("verso" et mi-pattes blancs) la distinguait ainsi du matou "vulgaris" et sa maîtresse se réjouissait de cette sorte d'aristocratie féline , signe particulier qui avait bien failli lui valoir le surnom de "chaussette" certes sympathique mais beaucoup moins distingué!

    M., elle aussi affalée sur le canapé, sans grâce particulière, contrairement à sa diva qu'elle appelait "mémère" certains jours particulièrement ordinaires,M.,donc, songeait à la race féline.
    Alors, elle songea à sa mère, elle ne pouvait plus dire "maman".Elle songea à sa mort, au cauchemar félin qui était définitivement rattaché à tous ces instants douloureux : maladie, dépendance, confusion, chagrin si fort, chagrin des entrailles et des larmes, de l'abandon.
    Elle ne savait plus si ce rêve avait eu lieu avant, pendant, après toute cette longue traversée du deuil, de la souffrance, mais elle savait qu'il la ramenait à T. ville de son enfance, de ses souvenirs liés à celle qui jusqu'au bout eut le souci des repas de la famille, qui, jusqu'au bout, s'imagina dans sa cuisine en train de penser à ce qu'elle"allait faire", crut ou rêva qu'elle était encore dans sa cuisine!

    Le rêve commence ainsi :

    Elle est debout dans la cuisine  : vieil évier à l'ancienne avec chauffe-eau au-dessus, vieille table en Formica vert pâle, vieille gazinière un peu douteuse.
    La fenêtre est ouverte, elle donne sur le Mont F. grand soleil mais ce soleil agresse un peu, la joie est absente de ce cadre pourtant typique.
    Tout à coup, elle aperçoit, au moment où ses yeux se posent sur la table juste en-dessous de la fenêtre,un chat mort qui a été roulé dans la farine. Ses poils sont tout empesés de blanc, l'animal inerte a été placé là pour une friture.
    La mère de M. lui tourne le dos, elle fait chauffer l'huile dans la poêle, y a-t-elle déjà déposé un autre animal ? Tout semblé si normal, familier...La jeune femme ne se souvient pas des détails, le rêve n'a laissé qu'une empreinte incomplète mais quelle empreinte!
    Ce songe est définitivement lié à cette cuisine familiale.
    Marie ne va plus à T.

    Mais qu'allait-elle préparer pour le dîner de ce soir ?

    A suivre...